La culotte à l’envers

Regards sur notre monde

Sarkozy, Rocard et la poupée vaudou

Posted by Van Breukelen sur 30 octobre 2008

Ce n’est pas une nouvelle, Nicolas Sarkozy est très soucieux de sa petite personne. (Pas de jeux de mots ici – merci Sarko ne pas m’intenter un procès). L’hypermédiatique président n’aime pas qu’on se fiche de sa poire, que ce soit sous le mode de l’insulte – il réplique « casse-toi pauvre con » – ou de la plaisanterie. Ainsi la mise en vente d’une poupée vaudou à son image avec épingles incorporées ne lui a pas plu, mais alors pas plu du tout. Plainte posée, président déjugé, appel interjeté : la mécanique judiciaire habituelle – c’est la septième plainte déposée en un an par Sarkozy-  donne une publicité inespérée à la peu aimable poupée vaudou. Dont j’aimerais bien connaître les chiffres de vente désormais.

Sarkozy, qui a pourtant donné son soutien à Charlie Hebdo lors des caricatures de Mahomet, n’aime donc pas la caricature de lui-même. Les juges ne l’ont pas entendu : « la caricature et la satire, même délibérément provocantes ou grossières, participent de la liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions ». Merci la justice.

Mais indépendamment de toute cette insignifiante affaire, le fond du truc doit quand même être raclé. Car cette affaire de poupée est d’une stupidité affligeante: un grand mixage entre un vaudou de pacotille, une plaisanterie de mauvais goût et une dose de commerce crasse. Cela révèle surtout trois choses qui me semblent intéressantes:

1. L’hyperpersonnalisation de la politique – on fait symboliquement mal à un homme représenté sous une forme de poupée : ce ne sont pas des idées qu’on tue ou un parti, mais une espèce d’icône.

2. Le retour de la démocratie citoyenne vers un état où règne la parole magique. Le recours au vaudou de carton-pâte et au vague espoir magique et maléfique qu’il incarne est-il une renonciation au pouvoir de la parole et du débat ? Tout cela est bien obscurantiste.

3. Le triomphe de l’opinion manichéenne. Plus besoin d’argumenter pour obtenir une sentence et une sanction, on peut tuer par procuration via le fichage d’épingle dans une poupée. Tu es le mal et tu ne me plais pas, je te transperce et tu vas souffrir. Vision monobloc où on est soit avec soit contre Sarkozy. la complexité humaine subit une réduction significative à un élément simple : j’t’aime, j’taime pô.

Dans ce contexte obscurantiste, une interview de Rocard me donne un peu d’espoir pour le retour à un monde un poil moins simpliste. L’ex Premier ministre socialiste a déclaré au monde qu’il allait se retirer de la politique mais pas du débat d’idées. C’est déjà pas mal, car on est passé, dans l’ère médiatique, du débat d’idées au débat tout court où plus on approche du coup de poing, plus l’animateur jouit. Mais il dit aussi que dans la crise financière, Sarkozy a joué intelligemment et il salue l’accord qu’il a arraché au niveau européen. Et il devient tellement rare qu’un adversaire politique reconnaisse les mérites de l’autre que je ne peux que saluer le geste – indépendamment de ce que je pense du contenu des propos de Rocard – alors que la politique de manière générale se contente de figer les rôles de chacun, de ne jamais en sortir, voire de durcir le ton pour mieux se faire entendre. Comme si reconnaître que  l’autre, l’ennemi politique, possède une goutte d’intelligence dans un océan de conneries, c’était déjà trahir son propre camp. Tant que la démocratie se fige au point de sortir des armoires des rituels magiques, la société ne pourra guère se construire en vue du bonheur des citoyens, le but à atteindre selon Aristote.

Van Breukelen

  • Crédit photo: AFP /Frank Fife sur le monde.fr

2 Réponses to “Sarkozy, Rocard et la poupée vaudou”

  1. Beulemans said

    Pour faire bref, Beulemans pense (ça lui arrive) que les producteurs de ces poupées vaudou ont simplement voulu montrer au premier degré, que ce connard de président sait être piqué au vif.Na.

  2. Coquelicot said

    Attention, Beulemans, de la brasserie du même nom !!

    « connard de Président » is not politicaly correct in France Bushienne !!

    Tu pourrais te retrouver au ban d’infamie comme un quelconque porteur de pancarte « Casse-toi pauv’con »
    Je trouve d’ailleurs que, en cette occurrence, la justice française a fait preuve d’un humour dévastateur en condamnant l’impétrant à 20 € d’amende, pas trop amère donc !!

    Ce doit être ce que l’on appelle « l’effet Dati »

    Alleye, à la tienne Beulemans et celle-là, elle sera bonne !
    @+
    Guy

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