La culotte à l’envers

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Eloge du plan-séquence, ou quand le JT de TF1 fait du cinéma

Posted by patoudoux sur 7 janvier 2010

The Player est composé de l'un des plus remarquables plan-séquences de l'histoire du cinéma.

Voici un sujet de TF1 diffusé le 3 janvier dernier. Cliquez et jetez-y un oeil,c’est original.

Vous l’aurez sans doute compris, il s’agit d’un sujet JT d’une minute et trente secondes tourné en un seul plan-séquence. Joli travail, avec un petit trucage quand même: un accéléré juste avant la seconde interview. Une petite correction de montage pour bien caler le commentaire du journaliste… Mais dans l’ensemble, voilà un sujet des plus banals qui retient l’oeil du spectateur un poil attentif! Et qui fera plaisir aux cinéphiles. Comme quoi même à TF1 on peut prendre du plaisir à faire son travail…

L’occasion de me (et de vous) remémorer quelques plan-séquences qui ont marqué l’histoire du cinéma.

Le premier est de Martin Scorsese, un spécialiste du genre ( à voir aussi dans « Casino » ou « Gangs of New York ») dont la séquence la plus mémorable se trouve dans « Goodfellas » (« Les affranchis »), avec un passage dans une cuisine sacrément bien ficelé. Comme la séquence est disponible sur YouTube, vous pouvez déguster:

Même période ou presque, un autre spécialiste: Brian de Palma. Ou comment sauver un film du naufrage avec une scène d’ouverture d’anthologie. Je veux parler de « Snake Eyes », qui débute par un long plan-séquence de 13 minutes. Certes, un faux plan-séquence – ce qui veut dire qu’il a été tourné en plusieurs prises – qui utilise quelques subterfuges numériques, mais le résultat est le même: nous voici plongés sans détour dans l’univers du flic ripou Rick Santoro, joué par Nicolas Cage.

Je n’ai trouvé la scène qu’en espagnol et incomplète, mais elle vaut le détour:

Et toujours dans les années 90, décidément riches en beaux exemples, la scène la plus remarquable que j’ai eu le plaisir de découvrir est celle des « Acteurs » ( « The Player »), de Robert Altman. Un plan-séquence de près de huit minutes durant lequel la caméra s’intéresse successivement à plusieurs conversations et fait valser le spectateur d’une scène à l’autre. Cette impression d’être embarqué à bord du bateau est absolument jouissive:

Merci YouTube! Vous aurez remarqué qu’il s’agit là aussi d’une scène d’ouverture. Le plan-séquence est donc une excellente technique pour prendre le spectateur par la main et le faire entrer dans le film. Et la scène de Robert Altman est d’autant plus admirable qu’elle se passe au coeur des studios de Hollywood, où foisonnent producteurs et cinéastes qui parlent de…plan-séquences, de Martin Scorsese et de Bruce Willis… Une mise en abyme magnifique!

Bref, l’histoire du plan-séquence est riche en superbes exemples, et ne date pas d’hier. F.W. Murnau, alors que le son s’apprêtait à faire son entrée dans le 7ème art,  en était déjà adepte dans « L’Aurore ». Certes, la scène ne dure pas 8 minutes comme chez Altman, et encore moins 13 minutes comme chez de Palma,  mais on peut déjà parler d’une séquence – unité de scénario que l’on repère aisément – tournée en  un seul plan.  Orson Welles (« Othello », « La soif du mal »), Jacques Tati (« Les vacances de Monsieur Hulot »),  Stanley Kubrick (qui a découvert les joies de la steadycam dans « Shining » et qui use du rail à outrance dans « Les sentiers de la gloire ») et Quentin Tarantino dans tous ses films: tous les grands ont réalisé au moins un plan-séquence digne de ce nom. Et que dire d’Alfred Hitchcock, dont la fluidité de « La Corde » est telle que le film semble avoir été tourné en un seul plan? En réalité, il y a huit plan-séquences de dix minutes, soit la durée d’un chargeur de caméra de l’époque, mais maitre Hitchcock a fait des raccords malins pour donner l’illusion d’un plan unique… Et puis que dire de Gus van Sant, qui compose une succession quasi ininterrompue de plan-séquences dans « Elephant »?

Vive le plan-séquence! Au 21ème siècle, envahi par les réalisateurs de clips et par le numérique, cette technique tend à disparaître. Quel dommage!

Patoudoux

11 Réponses to “Eloge du plan-séquence, ou quand le JT de TF1 fait du cinéma”

  1. Kawette said

    Touch of Evil et son magnifique suspense…

  2. patoudoux said

    Indeed! Je ne pensais même pas trouver cette scène sur YouTube… Elle est évidemment à placer dans les meilleurs plan-séquences de l’histoire!

  3. Thibaut S. said

    Si jamais:

    Soy Cuba… impossible de retrouver la séquence… avec la bande-originale originale…

    Kalatozov

    http://www.kinoglaz.fr/soy_cuba.php

  4. patoudoux said

    Soy Cuba…je ne connaissais pas avant ce soir, mais visiblement ça a l’air plutôt pas mal!

    M’en vais découvrir ce film…

  5. Van Breukelen said

    Très bon article Patoudoux, où tout y est. Vive en effet le plan-séquence pour autant qu’il serve l’histoire – le côté artifice graphique dans La Corde est à mes yeux trop visible. Pas du tout d’accord avec toi pour dire que Snake Eyes est un naufrage. Déjà la scène finale, tout aussi longue que la première scène, est une merveille, ensuite toute la thématique de la vérité ou du manipulation du regard est au centre du film et est brillamment mise en scène. Le scénario est un prétexte pour faire plaisir aux producteurs, mais le film parle de tout autre chose.

  6. patoudoux said

    Merci Van Breu!

    Naufrage est un terme un peu fort, j’en conviens. Cela dit, je n’ai pas dit que Snake Eyes était un naufrage, mais qu’il avait été sauvé du naufrage par la scène d’ouverture… Nuance! Le film vaut en effet bien plus par sa brillante mise en scène que par son scénario…

  7. Nicolas said

    Un bien beau sujet… Dans les plans-séquences d’ouverture mémorables, je mentionnerais encore celui de « Strange Days » de Kathryn Bigelow (1995), tourné en plus en caméra subjective.

    • Van Breukelen said

      Ah Strange Days est aussi une oeuvre magistrale méconnue sur la thématique du regard. J’avais adoré ce film, mais cela fait 14 ans que je ne l’ai plus revu… Merci pour me rappeler ce souvenir…

  8. delaruwiere said

    Bonjour est ce que quelqu’un pourrait me venir en aide.

    Je cherche un film en noir et blanc avec un plan sequence ou la camera reste fixe (juste accompagne les sorties des personnages ) et ce sont des personnages qui se succede à un buffet et on suit les differents dialogues.
    il me semble que les film est de welles ou kubrick mais j’en suis pas totalement sur :s est ce que vous auriez une idée sur le film ?

    merci d’avance

  9. オテモニャン said

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  10. Gogniat said

    Bonjour,

    En effet, le plan-séquence est toujours extrêmement plaisant à dénicher. D’ailleurs, cet extrait du film « Tom Yum Goong » (Prachya Pinkaew 2005) est l’un des plus spectaculaires que j’aie vu :

    Le film étant, cette fois, un véritable naufrage cinématographique, ce plan-séquence admirable (qui a, si l’on en croit IMDB, nécessité trois mois de travail) détonne complètement ! A croire que le réalisateur a juste voulu prendre son pied durant quelques minutes!

    Amicalement,

    V. G.

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