Vous entrez au restaurant l’appétit aiguisé, l’humeur bonhomme et le serveur, sérieux comme un I majuscule, vous regarde d’un air narquois et vous demande: cher monsieur, mais voulez-vous une table viande ou non-viande? L’envie alléchée du bon repas et l’esprit guilleret s’en vont au galop, c’est sûr. Et pourtant l’intégrisme de certains à propos des repas au bistrot pourrait nous mener à de telles situations incongrues. Il n’y a rien de pire que les intégristes de la nourriture, il faudrait les couler sous dix kilos de béton, comme dans les bons films de gangsters.
Mais revenons au début de l’affaire. Une bonne partie de la presse s’est fait l’écho cette semaine d’un hurluberlu protecteur des animaux exigeant que les mangeurs de viande soient à l’avenir placés à l’écart dans les restaurants. Parqués loin du regard sensible de certains. Des idées farfelues, on en a déjà entendues, mais des inepties commes celle-là, c’est rare. Je n’ai rien contre les protecteurs d’animaux, mais il ne faut pas pousser non plus. Après les fumeurs, bannis des restaurants (ce qui peut se comprendre, car manger à côté d’un fumeur de cigare est très désagréable), voilà les carnivores mis à l’index des plaisirs de la table. Non, mais, pour qui il se prend le Brigitte Bardot des temps modernes. Pourquoi pas exclure les amateurs de laitue, les fans de navets et les inconditionnels de la betterave? Ou les buveurs de bière, les blonds, les moustachus ou les fans de foot?