La culotte à l’envers

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Calice, une BD à la sauce québecoise! Critique de « Magasin général » de Loisel&Tripp

Posted by blongo sur 7 décembre 2008

Marie et Serge, les deux héros du magasin

Marie et Serge, les deux héros du magasin

Petit passage matinal en librairie. Un oeil embrumé sur les dernières bandes dessinées en vue sur l’étalage. Une décharge électrique. Loisel. Loisel est de retour. LOISEL EST DE RETOUR. La matinée automnale et sa grisaille pesante deviennent une plage de sable fin et un soleil réconfortant. Oui, c’est à peu près cet effet-là que procure la sortie d’un album de Loisel.

Loisel, c’est surtout la mythique « Quête de l’Oiseau du Temps », une BD que tous les fous du genre connaissent et que tous rangent bien haut dans leurs bédéthèques. C’est aussi « Peter Pan », qui reste aussi un modèle du genre malgré une fin d’intrigue un peu chaotique. Mais c’est aussi « Magasin général », une bande dessinée au concept original qui ne fait de loin pas tache dans la bibliothèque au côté des deux premières.

Le 4e tome de cette série, « Confessions », vient de sortir, pour notre plus grand plaisir. L’idée de cette BD est des plus originales. Les deux dessinateurs confirmés que sont Régis Loisel et Jean-Louis Tripp ont en effet réalisé le scénario et les dessins de ce cycle à quatre mains. Une association du meilleur effet pour ces deux amis français exilés au Québec. Après de longues discussions sur le scénario, c’est tout d’abord Loisel qui se met au travail. Le dessinateur crayonne une première version avec son trait si reconnaissable et si réussi. Ensuite, Tripp récupère les planches pour y ajouter sa patte. Tous deux ne dessinent pas de la même façon, mais le subtil mélange qui en résulte est une réussite totale.

Ce qui est également plus que plaisant dans « Magasin général », c’est son côté pittoresque. L’histoire se déroule à Notre-Dame-des-lacs, un coin paumé du Québec qui semble hors de portée de toute civilisation urbaine. Voire hors du temps, dans un temps arrêté, même si on apprend vite que les personnages prennent place dans le Québec de l’entre-deux-guerres.

Loisel et Tripp ont aussi choisi d’utiliser la si savoureuse langue du Québec, sans toutefois aller trop loin pour éviter de lasser le lecteur de ce côté-ci de l’Atlantique. Et le résultat est toujours drôle. Les « calice », « chauffer le char », « maudit tabernac », « tabarouette » ou « magasiner » jalonnent la BD, lui donnant une saveur piquante. Avec comme point d’orgue les fameux « ti-cul », qui désignent les enfants pour ceux qui ne le sauraient pas…

Avec Loisel et Tripp, on se sent plongé dans les vastes forêts québecoises

Avec Loisel et Tripp, on se sent plongé dans les vastes forêts québecoises

Allez, encore quelques uns pour la route: « C’est correct », « J’suis pas si pire », « Coudonc, y s’passe quoi icitte? ». Jubilatoire.

Un bref mot encore de l’histoire de ces « Confessions », même s’il ne sert à rien de trop en dévoiler: les personnages qui coloraient déjà les premiers tomes reviennent en pleine forme, à commencer par Marie, la veuve qui gère le magasin général. Et aussi Serge, l’étranger qui doit s’adapter à la vie campagnarde. Et aussi un curé que Rome ne doit pas beaucoup apprécier, car trop libertaire et lié d’amitié avec un vieil original antireligieux qui passerait pour un hérétique au Vatican. Et Gaëtan l’adorable simplet, et Isaac le borgne, et l’institutrice, et les commères Gladu. Et tous les autres.

Même si l’intrigue n’est pas aussi bondissante que dans une BD d’aventure, elle évolue tout de même au fil des tomes. Il y a d’abord eu « Marie » consacré au veuvage de l’héroïne, qui est contrainte de reprendre la direction du magasin général. Ensuite, « Serge » était marqué par un bouleversement au village, l’arrivée d’un Français aux moeurs si étranges. Le troisième tome, « Les hommes », voyait la lutte d’influence entre les hommes et les femmes du village à propos de Serge le nouveau restaurateur.

Dans « Confessions », c’est la relation entre Marie et Serge qui tient le lecteur en haleine. Vont-ils enfin officialiser leur relation? Vont-ils nous offrir un charmant ti-cul? Vont-ils se concentrer sur le magasin ou sur le restaurant? D’autres personnages vont-ils débarquer? Finalement, tout peut arriver, on s’en fiche tant que les hommes et les femmes de Notre-Dame-des-lacs continuent à vivre, à se débattre avec la vie et à nous distraire avec délice, calice de calice!

blongo

Credit photo: ottacat sur flickr.

3 Réponses to “Calice, une BD à la sauce québecoise! Critique de « Magasin général » de Loisel&Tripp”

  1. Ann said

    Tabernacle, ça vaut surement bien 10 Willy Wauler 2006 !

  2. blongo said

    C’est comme comparer une entrecôte avec une sauce à la crème et une galette de tofu sans sauce

  3. Et bien pour tous ceux qui auraient des problèmes de traduction franco-québécoise à la lecture de cette BD, faites un saut sur le site : http://www.dictionnaire-quebecois.com

    Tourlou et bonne lecture !!

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