La culotte à l’envers

Regards sur notre monde

Ingrid Betancourt ou de trop rares moments médiatiques

Posted by blongo sur 3 juillet 2008

Au moment où le Zimbabwéen Robert Mugabe s’enfonce dans ses errements, où le Tibet est retombé dans l’oubli après un passage éclair au sommet de l’agenda médiatique, où Palestiniens et Israéliens n’en finissent pas d’hésiter entre trêve et guerre ouverte, la libération d’Ingrid Betancourt apparaît comme une bouffée d’oxygène.

Dans la sphère politique et le monde médiatique, ce retour à la vie tant souhaité mais devenu presque chimérique est assurément l’événement numéro un de l’année. Alors que tous sombraient dans la torpeur ce soir orageux de juillet, une annonce venue de Bogota a secoué le cocotier médiatico-politique et une immense vague de bonheur s’est mise en mouvement.

Moment rare à la télévision, la plupart des chaînes ont interrompu leurs programmes pour livrer, commenter et analyser et commenter encore la libération historique d’Ingrid Betancourt. Tout comme notre ami Patoudoux, d’ailleurs, très prompt à réagir. Mais point de drame, pour une fois. Sourires, explosions de joie, rires, larmes émues, des images rares en direct sur un média habitué à l’hémoglobine et aux lancers de roquettes. Même les journalistes ont semblé perturbés à l’idée d’évoquer un fait gai et non une nouvelle affaire regrettable.

Il faut dire que lorsque la TV choisit de mettre au placard Julie Lescaut, Fogiel ou la 41e journée du championnat de foot, ce qui arrive deux ou trois fois par année pas plus, l’événement est évidemment d’importance, mais il est surtout dans 99% des cas catastrophiques. Certes il y a eu la joie en direct des Espagnols en finale de l’Euro, mais on ne peut pas comparer l’incomparable…

On se souvient des longues minutes de direct le 11 septembre 2001 à New York, le 11 mars 2004 en Espagne, le 26 décembre 2004 en Asie. On se souvient du suivi en direct de la mort du pape. On se souvient du décès de certaines personnalités, qui ont obligé les TV à ressortir de vieux films ou témoignages pour leur rendre hommage.

Mais jamais, du moins rarement, on assiste à la joie en direct. On écoute les premiers discours politiques remerciant le monde entier. On admire l’assurance des premières paroles des enfants d’Ingrid Betancourt. On s’émeut devant les retrouvailles de l’ex-otage avec sa famille, sur un tarmac colombien. On s’étonne de voir l’ex-sénatrice franco-colombienne en si bonne santé, si forte, si déterminée, alors que les dernières images laissaient présager le pire.

De plus, les médias ont aussi relaté en direct la satisfaction unanime des politiciens, eux qui ont l’air toujours si graves, professionnels, tristes. On voit des hommes politiques souvent décriés devenir les héros de la nation.

Nicolas Sarkozy exprime sa joie quelques heures après l’heureuse annonce. Même s’il n’est pour rien directement dans cette libération, le président français salue l’action de l’armée colombienne et, même si on n’est pas toujours d’accord avec ses idées et ses méthodes, on ne peut que louer son dévouement à cette cause, dès son arrivée à l’Elysée. La famille Betancourt ne s’y est pas trompé et l’a chaudement remercié.

On pense aussi au sulfureux Hugo Chavez, qui n’a également pas participé à l’opération en elle-même, mais qui s’est battu et encore battu, peut-être avec des méthodes pas toujours très catholiques. Le chef d’Etat vénézuélien a aussi sa part de responsabilité, au sens positif du terme, dans ce moment rare.

Enfin, peut-être le plus décrié, Alvaro Uribe savoure un succès que personne n’attendait plus. Le président colombien, très critiqué à l’étranger pour son apparente passivité depuis de longues années dans le dossier des FARC, a réussi à mener à bien une opération militaire très délicate et le monde entier l’en félicite. Certes, Uribe a joué un coup de poker, car son action périlleuse aurait aussi bien pu tourner au fiasco qu’au succès. Mais il a essayé et réussi, on ne se souviendra que de cela.

Mais cette libération, c’est aussi le soulagement et la joie dans de nombreux ménages anonymes. Le monde entier ou presque a pensé un moment ou un autre à la Franco-Colombienne. Des anonymes qui ne la connaissent pas sont descendus dans la rue. De nombreux autres se sont battus dans des comités de soutien. Des stars, comme Renaud, ont donné de leur temps.

Bref, quand la principale intéressée, les familles, les médias, le monde politique, le gratin culturel, le quidam de la rue, bref tout le monde se réunit dans un tel moment, on ne peut pas bouder notre plaisir. Et on y prend part aussi!

blongo, content comme tout le monde

Les retrouvailles d’Ingrid Betancourt avec ses enfants:

Credits photos: hdec et gabrilu sur flickr

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